En quête d’énergie
Etienne Klein : “Dans le langage courant, le mot « énergie » demeure victime d’une polysémie problématique : il désigne tout aussi bien la force que la puissance, la vigueur que l’élan, le dynamisme que la volonté… De plus, comme ce mot fleure bon le grec ancien (energeia), on imagine volontiers qu’il a toujours fait partie du vocabulaire scientifique. Or, il n’y a été introduit qu’il y a trois siècles, par Jean Bernouilli qui, dans une lettre datée du 26 janvier 1717, définissait l’énergie comme le « produit de la force par le déplacement ». Cette première conception scientifique de l’énergie était au demeurant d’application trop limitée pour prétendre coloniser toute la physique.”
La notion d’« esclaves énergétiques »
Pour bien fonctionner, notre corps a besoin d’une puissance de 100 watts. Cela correspond à une énergie de 2,4 kWh/jour, qui lui est fournie par le biais de l’alimentation. Afin d’avoir une appréciation tangible de notre consommation globale d’énergie, on peut l’évaluer en choisissant cette unité de mesure, c’est-à-dire la quantité d’énergie consommée chaque jour par un homme qui travaillerait sans jamais prendre de repos. Cela revient en somme à dénombrer le nombre de 9 “esclaves énergétiques“ qui sont à notre disposition. Bien sûr, ces esclaves sont des machines plutôt que des êtres humains : ils font notre lessive, nous chauffent, nous éclairent, cuisinent à notre place, nous transportent à l’autre bout du monde, nous divertissent, et font pour nous la majeure partie des travaux nécessaires à notre survie ou à notre confort.
Comment les décompter ? Prenons une ampoule de 60 W : elle correspond à un peu plus d’un demi-esclave. Considérons maintenant une personne effectuant chaque jour un trajet de 50 kilomètres avec une voiture consommant 8,5 litres aux 100 km. Tous calculs faits, on découvre qu’elle mobilise ainsi 17 esclaves énergétiques. En moyenne, un Français dispose de 150 esclaves énergétiques. Comparaison du puit à la roue distance parcourue avec 10 kwh
Dans son ouvrage intitulé Des Esclaves énergétiques. Réflexion sur le changement climatique, l’historien Jean-François Mouhot osait un parallèle symbolique entre la condition des esclaves dans l’Antiquité et celle de nos machines. Il voulait démontrer que le recours aux énergies fossiles n’est pas éthiquement neutre, qu’il devrait même nous conduire à poser des questions analogues à celles qui tourmentaient les sociétés ayant recours à l’esclavage.
Le rapport maître-esclave n’étant évidemment pas identique selon qu’il s’exerce sur un homme ou sur une machine, il n’est pas question de confondre les deux situations. Reste que leur mise en correspondance fait ressortir certains effets de l’utilisation des machines thermiques qui, sans cela, demeureraient inaperçus. Alors que l’esclavage des êtres humains constitue une violence directe exercée sur eux, celui des machines thermiques nous libère de tâches ingrates ou dangereuses. Toutefois, il induit de façon indirecte, au travers notamment du changement climatique qu’il provoque, une forme d’oppression sur d’autres êtres humains.
En juin 2016, même si elles furent provoquées par des blocages et non par de véritables pénuries, les files d’attente devant les stations-service nous ont offert une occasion supplémentaire de prendre conscience de ce qu’il convient d’appeler notre « servitude énergétique » : nos sociétés sont de plus en plus dépendantes de sources d’énergie pour l’essentiel fossiles, et elles savent que pour entretenir leur système de production et de consommation, elles doivent continuer à « croître », c’est-à-dire à disposer de plus en plus d’énergie de plus en plus rapidement. Or, à la différence des précédentes crises, où la découverte d’une nouvelle source d’énergie primaire semblait suffire à résoudre le problème en relançant un cycle de croissance, nos sociétés se savent désormais menacées par les effets nocifs et irréversibles que provoque leur mode de développement. Elles se trouvent ainsi mises dans un cercle vicieux : le mouvement continu de ce cercle n’est possible qu’à la condition que la croissance ne s’arrête pas ; or le combustible de cette croissance, lui, risque de s’épuiser un jour.
Face à ce problème, qui est un problème planétaire, mais aussi un problème qui se décline à l’échelle de chacun des particuliers que nous sommes, il serait irresponsable de faire comme si de rien n’était en feignant de croire que la recherche résoudra tous les problèmes : les ruptures technologiques, si nous devons impérativement les préparer et les rechercher, ne peuvent constituer notre seul espoir, car nous savons que certaines de ces ruptures demeurent très hypothétiques.
Merci M. Klein de nous éclairer en effet notre dépendance à l’énergie est renouvelable ! tous les jours !
Tout est énergie ! notre priorité serait de faire un peu moins avec beaucoup moins ! donc roulez vert avec des EnR.
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