Trois ans après une première décision, la plus haute juridiction administrative constate que « le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans huit zones en France ».
La France condamnée par la justice européenne pour cause de pollution d’air
A peine nommés, le gouvernement Castex et sa nouvelle ministre de l’écologie, Barbara Pompili, sont sous pression sur le front de la pollution de l’air. Dans une décision historique en la matière rendue vendredi 10 juillet, le Conseil d’Etat enjoint à l’exécutif de prendre sans tarder toutes les mesures nécessaires pour réduire les niveaux de pollution sous peine d’une astreinte record de 10 millions d’euros par semestre de retard. Il lui pose un ultimatum de six mois pour exécuter cette décision.
Le Conseil d’Etat précise que cette astreinte de 10 millions d’euros, correspondant à plus de 54 000 euros par jour, est « le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’Etat à exécuter une décision prise par le juge administratif ». Il est justifié par « la gravité des conséquences en termes de santé publique » et « l’urgence qui en découle », précisent les magistrats dans leur arrêt. Selon les modes de calcul, on estime que la pollution de l’air est à l’origine, chaque année, en France de 48 000 à 67 000 décès prématurés.
La pollution de l’air cause plus de mort que les accidents de la route
Dans une première décision rendue en juillet 2017, la plus haute juridiction administrative avait déjà enjoint au gouvernement de mettre en œuvre des plans permettant de ramener – dans 13 zones du territoire et dans le délai le plus court possible – les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) en dessous des valeurs limites (40 µg/m³ en moyenne annuelle) fixées par la directive européenne de 2008.
Huit agglomérations concernées
Trois ans plus tard, le Conseil d’Etat constate que « le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans huit zones en France » où les valeurs limites restent dépassées. Il s’agit des agglomérations de Paris, Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le dioxyde d’azote, et de Paris et Fort-de-France pour les particules fines.
Pour la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, soumise notamment à un important trafic de poids lourds avec le tunnel du Mont-Blanc, le Conseil d’Etat juge que le plan élaboré en 2019 comportait suffisamment de « mesures précises, détaillées et crédibles » pour assurer un respect des valeurs réglementaires d’ici à 2022. L’ancien ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, était pourtant allé, en septembre 2017, expliquer aux habitants en colère de la vallée qu’il n’y avait pas de « solution miracle » contre la pollution de l’air. Pourtant ActiVE rappelle que les 101.3 milliards d’euros de coût sanitaire annuel en France pourraient autofinancer l’industrialisation du rétrofit en masse de VT vers les VE.
A l’exception de la vallée savoyarde, le Conseil d’Etat estime que pour les zones toujours concernées par des dépassements, les mesures présentées par le gouvernement ne permettront pas de se conformer aux normes européennes dans « le délai le plus court possible ». Ainsi, le nouveau plan de protection de l’atmosphère de l’Ile-de-France, « se borne à retenir l’année 2025 » comme objectif pour revenir en deçà des valeurs limites en NO2, gaz très toxique émis principalement par le trafic routier, et les PM10, émises également par les activités industrielles et agricoles ou par le chauffage en hiver.
« Tournant historique »
Les magistrats notent également que les « feuilles de route » transmises par le gouvernement à la Commission européenne en avril 2018 ne comportent « aucune estimation de l’amélioration de la qualité de l’air qui en est escompté, ni aucune précision concernant les délais prévus pour la réalisation de ces objectifs ». Des lacunes qui ont valu à la France une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en octobre 2019, après près de dix ans de mises en demeure et d’avertissements sans lendemain. Pour l’heure, la CJUE n’a pas encore prononcé de sanction financière.
De son côté, le Conseil d’Etat précise que le montant de 10 millions d’euros par semestre pourra être révisé à la hausse si la décision de 2017 n’a toujours pas été pleinement exécutée. Il pourrait être reversé aux associations à l’origine de la requête ainsi qu’aux organismes privés et publics œuvrant dans le domaine de la qualité de l’air. Les organismes chargés de la surveillance de la pollution atmosphérique, tel Airparif, avaient alerté le président de la République sur des difficultés financières liées à la crise due au Covid-19, à la baisse structurelle des ressources issues de la taxe sur les activités polluantes et à un désengagement de certaines collectivités locales.
« Les ZFE, le nerf de la guerre »
« Cette amende exemplaire vient enfin sanctionner dix ans d’inaction des gouvernements successifs. Elle marque un tournant historique dans la lutte contre la pollution de l’air », se félicite Louis Cofflard, l’avocat de l’association Les Amis de la Terre. A l’origine de la première requête devant le Conseil d’Etat ayant conduit à l’arrêt de 2017, l’association avait déposé un deuxième recours en octobre 2018 avec 77 autres requérants (Greenpeace, France Nature Environnement, Notre affaire à tous, Respire, mais aussi des médecins) afin de contraindre le gouvernement à exécuter la décision.
« Dans neuf zones en France, la pollution de l’air est trop élevée. Nous allons mettre fin à ces dépassements grâce à la création obligatoire d’ici à six mois de zones à faibles émissions [ZFE] qui interdisent la circulation des véhicules les plus polluants », assure la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili. Juste avant de céder son portefeuille, Elisabeth Borne avait annoncé la création d’une dizaine de nouvelles ZFE d’ici à 2021. Mme Pompili va devoir accélérer le mouvement. Aujourd’hui, elles sont seulement opérationnelles à Paris – où tous les véhicules diesel et essence seront bannis, respectivement d’ici à 2024 et à 2030 – et dans une moindre mesure à Grenoble. « Les ZFE, c’est le nerf de la guerre, assure-t-on au ministère. Nous allons laisser le temps aux nouveaux exécutifs municipaux de s’installer et nous nous mobiliserons avec eux dès la rentrée pour sortir rapidement de ces situations de dépassements. »
ActiVE rappel que la voiture thermique sera obsolète d’ici 2025 non pour des raisons sanitaire mais pour des raisons économiques ! Alors en avant le bon sens !
2+ rouler en VE rend heureux 😉